SAM ? C’est quoi ?
SAM (abréviation de SmartArM) est un projet visant à l’élaboration de prothèses de bras adaptées aux personnes porteuses d’un handicap transhuméral, c’est-à-dire à qui il manque un coude et un avant-bras. Les prototypes développés dans le cadre de ce projet offrent aux utilisateurs des approches de contrôle intuitives et efficaces, leur permettant d’étendre leurs capacités motrices et d’augmenter leur autonomie pour des activités de la vie quotidienne.
L’objectif de SAM est d’attirer l’attention sur le cas complexe des handicaps « au-dessus du coude » et leurs particularités. En effet, les utilisateurs de prothèses porteurs d’un tel handicap doivent apprendre à maîtriser le contrôle complexe d’au moins deux articulations actives, en plus du contrôle de la main. À l’heure actuelle, peu de recherches sont menées sur les obstacles et difficultés propres à l’emploi d’une prothèse multi-articulée par une personne porteuse d’un handicap transhuméral. SAM vise également à promouvoir les possibilités offertes par les approches non invasives pour le contrôle des prothèses, en réaction aux récentes tendances en matière de techniques chirurgicales invasives (électrodes implantées, réinnervation musculaire ciblée etc.).
Depuis 2019 et dans le cadre du CYBATHLON, notre pilote Christophe Huchet porte un nouveau prototype de prothèse récemment développé par notre équipe. Celui-ci se base sur nos travaux précédents mais des modifications importantes ont été apportées spécifiquement pour Christophe. En effet, notre pilote présente une agénésie du bras droit : il est né sans avant-bras mais avec un humérus complet. Son membre résiduel est donc plus long que le moignon d’une personne ayant subi une amputation transhumérale traumatique. Afin que l’axe de rotation du coude prothétique soit symétrique avec celui de son bras gauche valide, cette caractéristique anatomique de Christophe a nécessité la conception d’une articulation exosquelettique (moteur et une transmission placés à l’extérieur du bras).
Cette prothèse comporte donc deux degrés de liberté motorisés : un rotateur de poignet actif, et un coude exosquelettique actif à la conception originale adaptée aux personnes agénésiques. De plus, elle peut être équipée de n’importe quelle prothèse de main disponible dans le commerce, grâce à son connecteur compatible avec les standards du marchés (Quick Disconnect Wrist). Elle est actuellement équipée de la main prothétique fabriquée par notre sponsor TASKA. Le prototype destiné au CYBATHLON comprend également une emboîture conventionnelle conçue spécialement pour Christophe par notre partenaire IRR-UGECAM, et intégrant 6 myo-électrodes de surface.
Principales innovations et fonctionnalités
La principale innovation de SAM ne réside pas seulement dans sa conception matérielle, mais aussi dans son architecture de contrôle embarquée et aux mode de contrôle sensori-moteur associées, sur lesquelles notre équipe travaille depuis plusieurs années. Notre stratégie de contrôle innovante repose sur deux modes de contrôle différents :
– Un contrôle basé sur le décodage des motifs de signaux myoélectriques produits par la contraction volontaire des muscles résiduels du bras amputé, et mesurés à l’aide de myo-électrodes de surface placées dans l’emboîture de la prothèse.
– Un contrôle basé sur les mouvements du corps et du membre résiduel de l’utilisateur, mesurés avec des capteurs de mouvements (IMU) embarqués. Ce mode de contrôle s’appuie notamment sur les stratégies de compensation corporelle (voir encadré ci-dessous) comme sources de signaux de commande. Ces mesures permettent de coordonner les mouvements des articulations intermédiaires de la prothèse avec ceux du corps de l’utilisateur, afin d’obtenir des réactions plus rapides et des gestes plus biomimétiques.
Afin d’améliorer la dextérité du porteur de la prothèse, ces modes de contrôle peuvent être couplés (chaque mode contrôlant un sous-ensemble d’articulations différent).
Qu’est-ce que le « contrôle basé sur les compensations » ?
Le prototype employé par l’équipe SAM est la première prothèse à s’appuyer sur cette nouvelle approche de contrôle brevetée, qui a été récemment développée à l’ISIR et vise à offrir une alternative au contrôle myoélectrique.
En effet, l’un des problèmes majeurs de la commande myoélectrique conventionnelle est qu’elle n’est pas naturelle. Celle-ci implique généralement de contracter les muscles individuellement l’un après l’autre, pour contrôler séquentiellement les articulations prothétiques. Ce fonctionnement est loin d’être similaire au contrôle naturel des mouvements d’une personne valide, d’autant plus pour les personnes porteuses d’un handicap transhuméral. En effet, le contrôle myoélectrique leur impose d’utiliser des muscles (généralement biceps et triceps) qui ne sont pas naturellement associés avec les articulations prothétiques qu’ils commandent, comme le poignet ou les doigts. Les approches de contrôle basées sur les mouvements du corps ont pour but de s’affranchir de cette limite tout en proposant un contrôle plus intuitif et plus facile à apprendre.
En complément des approches basées sur les synergies (utilisant des modèles appris de coordination entre articulations), nous avons récemment développé une nouvelle approche de contrôle qui repose plutôt sur les compensations corporelles. Ces compensations sont des mouvements qui se manifestent lorsque la mobilité d’une ou plusieurs articulations est réduite. Par exemple, le buste ou l’épaule sont naturellement sollicités lorsqu’il est difficile de bouger le coude et/ou le poignet, que ce soit à cause d’une prothèse de membre qui ne réagit pas, d’un membre paralysé après un AVC ou d’une simple entorse affectant notre comportement moteur.
Ces mouvements compensatoires sont de bons indicateurs de l’adéquation de la position de la prothèse avec l’intention de son porteur. En effet, si le coude n’est pas assez fléchi/étendu ou si la main n’est pas bien orientée, le porteur va généralement corriger cet écart par des compensations corporelles, par exemple en penchant son buste vers l’avant ou sur un côté. Notre contrôle basé sur les compensations, mesure en temps réel ces mouvements et calcule le mouvement de la prothèse nécessaire pour ramener le porteur dans une position plus confortable, tout en gardant la main bien positionnée ou bien orientée.
Ainsi, les actions de la prothèse sont parfaitement coordonnées avec les mouvements du corps de son porteur, sans que celui-ci ait à envoyer des instructions spécifiques à la prothèse ou à apprendre des stratégies de contrôle complexes. En bref : la prothèse décode le langage cinématique naturel du corps de son utilisateur !
La technologie SmartArM-W
Grâce aux connaissances acquises lors du développement de notre prothèse SAM pour la catégorie ARM, notre équipe travaille maintenant à appliquer les principes du contrôle basé sur les compensations, à un bras robotique d’assistance pour la catégorie ROB. La technologie employée par notre pilote dans cette catégorie est appelée « SmartArM-W », associant le nom de l’équipe à l’initiale du mot « Wheelchair » qui signifie « fauteuil roulant » en anglais.
Pour concourir en catégorie ROB, nous développons avec notre pilote Étienne Moullet, atteint de tétraplégie, un dispositif composé d’un bras robotique à sept articulations, associé à une pince à deux doigts rigides faisant office de préhenseur. Ce dispositif robotique est monté sur une plateforme roulante, elle-même fixée au côté droit du fauteuil du pilote, au niveau de son genou. Afin de contrôler ce robot, le pilote dispose de plusieurs moyens de diriger la position de la pince dans les trois dimensions de l’espace :
- Avec ses mains, via une tablette tactile et un capteur détectant les mouvements de sa main
- Avec un casque HoloLens détectant les mouvements de sa tête
Ces méthodes de contrôle s’inspirent de nos récents travaux sur le pilotage intuitif d’un bras robotique sur-numéraire, illustrés dans la vidéo ci-contre :
Plus largement, ce dispositif est conçu comme une plateforme expérimentale sur laquelle tester des innovations répondant aux besoins des personnes en fauteuil roulant et présentant une mobilité réduite des bras. En particulier, elle permet aux chercheurs de notre équipe d’élaborer des stratégies pour contrôler un tel bras robotique de la façon la plus polyvalente et intuitive possible.
De plus amples informations sur notre technologie et notre expertise peuvent être trouvées dans nos travaux récents suivants :
– Merad, M., de Montalivet, E., Legrand, M., Mastinu, E., Ortiz-Catalan, M., Touillet, A., … & Jarrassé, N. (2020). Assessment of an automatic prosthetic elbow control strategy using residual limb motion for transhumeral amputated individuals with socket or osseointegrated prostheses. IEEE Transactions on Medical Robotics and Bionics. PDF
– Legrand, M., de Montalivet, E., Richer, F., Jarrasse, N., & Morel, G. (2019, June). Reciprocal Kinematic Control: using human-robot dual adaptation to control upper limb assistive devices. PDF
– Legrand, M., Jarrassé, N. Richer, F. Morel, G. (2020, May) A closed-loop and ergonomic control for prosthetic wrist rotation. IEEE. Proc. International Conference on Robotics and Automation (ICRA)
– Jarrassé, N., De Montalivet, É., Richer, F., Nicol, C., Touillet, A., Martinet, N., … & De Graaf, J. B. (2018). Phantom-mobility-based prosthesis control in transhumeral amputees without surgical reinnervation: A preliminary study. Frontiers in bioengineering and biotechnology, 6, 164. PDF
– Jarrassé, N., Nicol, C., Touillet, A., Richer, F., Martinet, N., Paysant, J., & de Graaf, J. B. (2016). Classification of phantom finger, hand, wrist, and elbow voluntary gestures in transhumeral amputees with sEMG. IEEE Transactions on Neural Systems and Rehabilitation Engineering, 25(1), 71-80. PDF